• Bretagne, Côtes d'Armor

La vie jusqu’à la mort

La crise sans précédent que nous traversons actuellement est révélatrice d’un aspect de notre société moderne, et c’est peut-être là l’occasion de le pointer du doigt : nous avons peur de la maladie et peur de la mort.

Cette peur est à la fois compréhensible et paradoxale. Compréhensible, parce que nous aimons la vie et craignons de la perdre, de perdre la qualité de vie que nous avons ou de perdre nos proches. Paradoxale, parce que cette même peur de perdre la vie nous empêche d’en profiter à 100%.

La science progresse chaque jour et nous guérissons de mieux en mieux de maladies qui, auparavant, étaient incurables. Pour les autres, la recherche avance sans cesse et, même quand il n’existe pas encore de traitement, l’espérance de vie est repoussée, encore et encore.

Nous aurions pu croire que cela nous rendrait plus confiants, moins effrayés par la perspective d’attraper ou de développer une maladie. Mais ce n’est pas le cas.

Paradoxalement, plus le savoir et les données scientifiques nous sont accessibles, et plus nous devenons paranoïaques, comme plus conscients du danger qu’il y a… à vivre !

Cette peur de la maladie s’accompagne d’un rejet de la part de la société tout entière. Nous ne voulons pas voir la maladie, nous ne voulons pas la côtoyer, nous ne voulons pas que la mort soit mêlée à notre vie.

Je me souviens de ma grand-mère me racontant comment elle avait pris son père malade chez elle pour s’occuper de lui jusqu’à la fin, comment elle avait accompagné son dernier souffle, et comment elle l’avait lavé et habillé elle-même après sa mort. J’étais presque horrifiée de l’entendre me raconter cela, mais pourtant, à l’époque, rien n’était plus normal.

De tous temps, la mort a fait partie de la vie. Cela permettait, quelque part, de se rappeler où nous allions tous, de garder une part d’humilité face à la vie, mais aussi de dédramatiser la mort.

Aujourd’hui, nous déléguons la fin de vie aux services de soins palliatifs ou aux Ehpad, puis les pompes funèbres prennent le relais. Alors bien sûr, les temps ont changé, on n’a pas tous la possibilité d’accueillir chez soi une personne âgée et/ou malade, et ces établissements ont un réel intérêt et un immense mérite dans leur travail. Pour autant, cette institutionnalisation de la mort a créé une fracture entre la vie et la mort, précisément là où il devrait au contraire y avoir une continuité.

Placer une personne dans un Ehpad aujourd’hui, c’est ainsi presque la mettre de l’autre côté de la barrière. Personne ne le dit ouvertement, mais tout le monde le sent instinctivement : c’est le début de la fin. « Toi qui entres ici, abandonne toute espérance. »

Avec Maison de vie, Maison d’envies, c’est exactement le contraire que nous voulons faire. Nous voulons accueillir les gens en fin de vie ou gravement malades, c’est vrai, qui sont obligés de faire au quotidien avec la proximité de la mort, oui, mais nous voulons aussi accueillir la vie entre les murs de cette maison.

Nous ne voulons pas isoler les personnes en fin de vie, nous voulons au contraire permettre aux familles, aux couples ou aux amis de se retrouver dans un cadre propice pour mieux se dire au revoir, pour mieux profiter des dernières semaines, des derniers mois ou des dernières années. C’est pour cela que la maison de vie comptera, par exemple, des chambres d’hôtes destinées à accueillir les proches pour quelques jours. C’est pour cela également que l’intimité de chacun sera conservée quand il le souhaitera.

Nous voulons recréer cette continuité entre la vie et la mort et conserver le lien entre ceux qui sont en fin de vie et ceux qui ont encore de longues années devant eux. Un lien qui sera aussi profitable aux uns qu’aux autres car jusqu’à notre dernier souffle, par nos paroles, par nos gestes, par nos rires ou par notre simple présence, nous avons tous encore quelque chose à apporter à nos proches et à la société.

Recherche